mardi 17 décembre 2019

Un conte pour l'apocalypse ......suite

Conte pour l'apocalypse suite


Laure rentrait chez elle comme souvent le jeudi, avec un sentiment de mélancolie et d'impatience tout à la fois.
Elle était née à Paris, elle aimait cette ville passionnément mais depuis le mois d'avril et l'incendie de Notre Dame, elle traînait avec elle un malaise, un sentiment d'irréparable, comme après la perte d'un être cher.

On était déjà au mois de Décembre et la pauvre cathédrale blessée restait omniprésente dans son cœur même lorsqu’elle ne la voyait pas. Elle avait pu constater auprès de ses amis que tout le monde ressentait cette perte : la dernière visite qu'elle avait faite chez une tante habitant dans une rue proche avec vue sur ND l'avait encore plus attristée.
On voyait cet échafaudage de métal, origine du mal, planté dans l'échine de ND comme un poignard, un crabe monstrueux, fondu en elle et qui ne voulait pas sans aller.
Quelle chimiothérapie pourrait en venir à bout ?

Elle sortie du métro, plongée dans ses pensées. Remonta la rue en pente qui menait chez elle, non sans avoir vu ce chien maigre et grand qui attendait visiblement quelqu'un à la sortie de l'escalier.
Il était seul, et apparemment sans collier, mais elle était sûre qu'il appartenait à quelqu'un.

Elle monta par l'ascenseur, alors qu'elle n'aimait son côté ancien et rabougri.

Avant de ressortir pour dîner  avec ce photographe et ami japonais, elle prépara avec soin son sac à dos pour partir directement en montagne le lendemain après sa journée.


Elle était libre de ses horaires, mais avait justement un rendez-vous de travail vers 15h, et avec les grèves, il faudrait un certain temps pour sortir de Paris.

Elle arrosa ses plantes, terrasse et intérieur, puis alla se changer.
Ce soir, elle mettrait cette robe de mousseline bleu foncé, décolleté dans le dos, qui mettait en valeur sa carnation . Un bracelet de tissu, et son parfum , un trench par dessus et sa pochette à la main avec l'indispensable.
Elle ressortit.

Il l'attendait depuis quelque minutes, et il fut une nouvelle fois ravi par sa démarche, son allure d'adolescente montée en graine, un peu timide et audacieuse à la fois. Il remarqua qu'elle portait des chaussures à talons hauts, et il sut que c'était pour lui faire plaisir, car elle préférait les baskets…..

Il s'embrassèrent brièvement, et il lui prit la main pour aller au restaurant dans une petite rue près de Notre Dame.
 
Ils aimaient ce quartier tous les deux, bien qu'il sentait en elle le désamour s'installer à l'égard de cette ville, qu'elle ne reconnaissait qu'en partie.

Il n'y avait pas que Notre Dame : les manifestations violentes, durement réprimées avec des blessés graves, les dégradations qui avaient commencé par l'Arc de Triomphe , où elle se vantait en riant d'avoir le nom d'un de ses aïeux inscrit…...tout cela , la brutalité, la force qui ne maintenait l'ordre que dans les têtes malades des dirigeants, la faisait se détacher de Paris, à regrets, mais se détacher tout de même.


C'est grâce à ce désamour qu'il lui avait proposé de partir s'installer chez ses parents, près de Tokyo.
Elle ne savait que lui dire…...elle n'était pas prête à partager à nouveau la vie de quelqu'un même aussi talentueux que lui, même aussi beau, même aussi amoureux.
Elle lui avait demander d'attendre un an.
Ils décideraient ensemble à Noël 2020.

En attendant, ils profitaient de ce bonheur doux et calme qui existait entre eux,

Ils se quittèrent au retour sur le pont qui allait vers l’île de la cité, après avoir regardé ensemble la Seine couler impassible sous eux.
Il la regarda s'éloigner rapide et semblait-il joyeuse puis reparti dans l'autre direction pour rentrer chez lui.

Le lendemain matin, elle se leva de bonne humeur, et se prépara pour partir en fin d'après midi vers la montagne pour rejoindre une partie de la famille qui lui restait.

Il faisait relativement clair, et très doux, comme presque toujours à Noël, alors qu'on aurait aimer voir la neige tomber pour que le décor soit complet.


Elle écrivit deux articles qui étaient en retard, pris quelques photos pour les illustrer, avala un sandwich tout en regardant les nouvelles sur son téléphone.
Tout était assez décourageant comme d'habitude , mais elle échangea avec ses amis lointains puis, remis son sac sur ses épaules et partit à pieds à son rendez vous de travail .

La jeune femme qui la reçue était très aimable, mais le travail qu'elle lui proposait ne l'intéressait pas : il s'agissait de suivre des « peoples » et pour l'instant elle , qui était en free lance, pouvait se permettre de refuser.
Et puis ce fut déjà l'heure de se rendre vers la gare de Lyon par n'importe quel moyen.

Finalement, elle prit un taxi en co voiturage, deux autres personnes allaient gare de Lyon dans l'espoir d'avoir un train pour le Sud Est.
Il s'agissait d'un père et de son fils, le petit garçon avait l'air très ronchon, le père aussi d'ailleurs, mais c'était compréhensible vu les circonstances. Elle comprit rapidement que c'était un petit garçon partagé, qui partait chez sa mère et grands parents maternels pour les vacances.

Elle se mit à penser à Zazi dans le métro, le film, et du coup elle en raconta une partie au petit garçon, Thomas, qui fut ravi.

Quand il éclatait de rire, on voyait qu'il avait encore ses dents de lait……

Hélas, les encombrements étaient tels, qu'elle décida de marcher plutôt que d'attendre……
Ce fut dans ces circonstances, qu'elle entendit brusquement des sirènes hurler, la ville autour d'elle se figer et les gens commencer à s'attrouper sur le pont qui traversait la Seine à cet endroit

Instinctivement elle regarda vers Notre Dame, mais elle ne vit rien, de la poussière ? De la fumée à nouveau ! Tant pis! la montagne attendrait. Elle revint à pieds vers l’île de la cité.

 Exténuée, il faisait déjà nuit, il faut dire que c'était les jours les plus courts de l'année.
Elle rejoint un groupe qui regardait la cathédrale.
Horreur, un des deux beffrois, celui de droite semblait s'être écarté de l'autre, il penchait vers l'extérieur.
Et là dans une vision d'apocalypse, il continua sa chute et dans un bruit dantesque s'effondra , entraînant dans sa chute l'autre beffroi, les cloches et tout le reste de la cathédrale, les bâches, échafaudages et autre contreforts de bois.

Un silence épouvantable succéda à ce vacarme. Même les sirènes se turent un instant.
La sidération était telle que personne semblait réaliser ce qui venait de se produire.

Elle regarda ses voisins, vieillis, gris, comme elle devait l'être elle même.

Alors , un chagrin insoutenable l'envahit, elle pensa au bourdon qu'elle avait visité avec son père quand elle était fillette, son père disparu trop tôt,.
Elle se détacha du groupe, enjamba le parapet du pont et sauta dans l'eau.

Elle avait oublié qu'elle était une très bonne nageuse, mais heureusement, son sac à dos lui frappa la nuque et elle perdit conscience.

Elle se réveilla en sentant les pavés du quai sous son dos et ses fesses.
 Un animal , un chien pour tout dire, l'avait harponnée par son blouson et la retirait du fleuve…….

mercredi 4 septembre 2019

Un conte pour l'apocalypse


Un conte pour l'apocalypse

C'était un animal puissant , dans la force de l'âge pour son espèce, le poil gris et brillant, la gorge blanche.

Une dentition impeccable à faire frémir un dentiste.

Il était né dans les Apennins, cette partie d'Italie proche de la frontière. Il connaissait l'histoire de Rome et de l'une de ses ancêtres, il connaissait aussi malheureusement beaucoup d'histoires tristes qui parlaient de lui et des siens, pourchassés, décimés, au point de disparaître presque complètement de la surface de la terre.

Il était pris non pas de colère, mais d'une forme de grande lassitude en pensant à tous ces mensonges

Prenons par exemple le petit chaperon rouge.

Combien de fois n'y avait il pas pensé en le rencontrant sous diverses formes toutes plus craquantes les unes que les autres.

Ce n'était pas lui qui avait été les chercher, encore moins lui qui avait mangé leur grand-mère (enfin quoi ! Il respectait les personne âgées).
C'était toujours elles brunes blondes ou rousses qui s'étaient mises volontairement en travers de son chemin……..toutes avec l'espoir de l'apprivoiser définitivement.

L'une d'entre elle avait failli y parvenir…..et il en avait encore les larmes aux yeux de tendresse.

Enfin bref, il voulait partir, découvrir d'autres terres avoir un nouveau départ.

Il avait un pincement au cœur en quittant l'Italie et ce professeur qui avait prédit qu'un jour lui et ses congénères envahiraient Florence…...mais tant pis ...il verrait bien.

Il prépara deux trois choses qu'il voulait garder et jetant un dernier regard de la colline où il se trouvait, d'un bond puissant s'enfonça dans les fourrés qui rejoignaient la forêt.

Le loup était parti.






Il avait choisi de faire un voyage sans contraintes et n'avait pas prévu d'itinéraire particulier, excepté bien sur ceux qui lui feraient prendre de trop gros risques.

Il était conscient qu'en laissant sa contrée natale derrière lui, ainsi que sa meute, il multipliait les aléas. Mais peu lui importait : il avait encore une grande confiance en lui et en ses capacités mentales et physiques,, à juste raison.

Il décida de remonter vers le nord, il passerait la frontière par un col dont il avait entendu parler, et qui en cette  saison était peu fréquenté et d'ailleurs fermé aux véhicules routiers.

Ces drôles de bêtes à moteur que conduisaient les hommes et qui bientôt allaient les étouffer de gaz d'échappement.

Il chemina sans problème, se désaltérant à l'eau courante d'un torrent ( ah ça lui rappelait le loup et 'agneau!!!! d'un dénommé La Fontaine)

se nourrissant de campagnols, oiseaux, écureuils ou renard).

Petit à petit, la mousse laissait la place à la pierre lisse, les herbes et campanules bleues et roses, à une prairie rase .

les grands dévers de rochers impressionnants et leurs rhododendrons annonçaient un sommet ou un col.

C'était le cas, il sentit l'odeur de la neige dans le vent qui se levait brutalement ; la nuit était en train de tomber. Il pris la décision de s'arrêter là couché dans les rhododendrons, raides pris individuellement, mais souples arrondis en nombre sous son échine lourde et musclée.

En plus il y avait ce parfum moitié fleur, moitié fruit qu'il aimait profondément.


Il fut réveillé par des chuchotements, des pas traînant et une voix qui disait non, non pas là il faut passer le col.

Des hommes approchaient, malgré son regard perçant, il ne les distinguait pas.

Tout à coup, il vit deux ombres, grandes toutes les deux, vêtues de pantalons et veste.

Il était étonné de la légèreté des pas . Généralement les montagnards sont chaussés assez lourdement, et leur pas résonne dans le fond de la terre.

Il resta immobile, prêt à déguerpir s'il le fallait.
Les deux hommes plutôt grands, passèrent, leurs pas et leurs silhouettes se fondant dans la nuit.

Le lendemain à l'aube, le loup se réveilla avec une impression de danger qui lui fit se hérisser le poil, et froncer les babines.

Il prit le vent, très froid et ayant senti une odeur d'homme, reprit son chemin prudemment.

Quelques mètre avant le col , il vit un corps allongé qui semblait dormir mais au milieu du chemin ,tout de même !

Il s'approcha à pas de loup, naturellement, et il vit un homme jeune inanimé. Il s'approcha, le lécha, il n'était pas froid un sentiment de pitié l'envahit et il décida de le traîner devant la petite cabane du col.

L'homme n'était pas très lourd, mais encombrant, il le déposa devant la porte non s'en l'avoir lécher à nouveau, jusqu'à le sentir frémir, et même vaguement soupirer. Il s'en fut alors en courant, mais malencontreusement fit tomber une sorte de boite de conserve qui se trouvait sous ce qu'il pensa être une gouttière.

Du bruit se fit entendre dans la cabane, au loin déjà derrière lui il entendit des exclamations : des paroles ….il ralentit pour écouter ; ils avaient trouvé le jeune homme, ils allaient s'occuper de lui.

Malheureusement pour le loup, le groupe n'était pas homogène : l'un des protagonistes s'exclama ...mais c'est quoi ces traces ?? un loup !!! et le voila de courir chercher son fusil et en hurlant se lancer à la poursuite de l'animal.

Heureusement ses capacités de coureur était moindre que celles du loup qui lui échappa et reprit son chemin sous le couvert d'une forêt encore petite mais suffisante pour lui.

Dans l'après midi, il se reposa non loin de fermes, et il comprit qu'il avait franchit la frontière car le bruit que faisait les hommes avec la bouche avait changé de sonorité.


Il était en France : cela lui convenait ; il avait toujours eu envie de voir Paris, lui qui venait,
ou tout comme d'une capitale aussi belle, Rome.

à suivre......



mardi 23 juillet 2019

Elle avait enfin obtenu cette rencontre, cet interview comme on dit en français.
Elle n'y croyait pas encore tout à fait, une sorte de superstition douteuse lui nouait l'estomac.
Néanmoins, elle partit, juste avec son mobile, et un carnet au cas où il serait trop effarouché.....
La maison dans une rue tranquille était bien telle que sa mère lui avait décrite ni imposante, ni particulièrement belle : un peu triste et humide par ce jour d'automne pluvieux.
Le jardin était minuscule et à l'abandon, le perron blanc encore se frayant un chemin à travers les buissons un peu poussiéreux et déplumés.
 Elle détestait le buis, ce buisson qui évoquait pour elle des feux plein d'étincelles dans la Drôme, et non pas ces vieux machins sans odeur, même pas bons pour un cimetière.

Finalement elle était de très mauvaise humeur et ce ne fut que cette vieille habitude bue avec le lait maternel, du respect humain qui la fit entrer.
La porte un peu vermoulue était entr'ouverte, elle la poussa découvrit sans surprise l'escalier qui montait et les deux portes imposantes de part et d'autre de l'entrée, carrelée en blanc et noir.
Elle frappa à la porte de droite, puis l'ouvrit sans attendre de réponse :
il était là : immobile derrière un bureau encombré et devant la cheminée surmontée de l'inévitable miroir .
Il la regarda de derrière ses grosses lunettes d'un regard perçant, en contradiction avec le vague sourire sur ses lèvres.
Il lui fit signe de s'asseoir et lui dit seulement ceci :
Quel dommage, Luce, vous êtes venue trop tard.
Elle faillit protester puis dans le même temps elle comprit. 
 Elle sut que oui c'était trop tard, il avait raison, elle n'aurait jamais dû venir.....
Au moment ou elle allait franchir la porte à nouveau, il ajouta seulement ceci : j'ai bien aimé votre lumière....

Ah non,  elle savait bien qu'il ne fallait pas venir.....maintenant elle allait pleurer dans son cœur :
pour combien de temps ?

jeudi 18 juillet 2019

La francesa de Roberto BolanoLA FRANCESA


Una mujer inteligente.
Una mujer hermosa.
Conocía todas las variantes, todas las posibilidades.
Lectora de los aforismos de Duchamp y de los relatos de Defoe.
En general con un auto control envidiable,
Salvo cuando se deprimía y se emborrachaba,
Algo que podía durar dos o tres días,
Una sucesión de burdeos y valiums
Que te ponía la carne de gallina.
Entonces solía contarte las historias que le sucedieron
Entre los 15 y los 18.
Una película de sexo y de terror,
Cuerpos desnudos y negocios en los límites de la ley,
Una actriz vocacional y al mismo tiempo una chica con extraños rasgos de avaricia.
La conocí cuando acababa de cumplir los 25,
En una época tranquila.
Supongo que tenía miedo de la vejez y de la muerte.
La vejez para ella eran los treinta años,
La Guerra de los Treinta Años,
Los treinta años de Cristo cuando empezó a predicar,
Una edad como cualquier otra, le decía mientras cenábamos
A la luz de las velas
Contemplando el discurrir del río más literario del planeta.
Pero para nosotros el prestigio estaba en otra parte,
En las bandas poseídas por la lentitud, en los gestos
Exquisitamente lentos
Del desarreglo nervioso,
En las camas oscuras,
En la multiplicación geométrica de las vitrinas vacías
Y en el hoyo de la realidad,
Nuestro absoluto,
Nuestro Voltaire,
Nuestra filosofía de dormitorio y tocador.
Como decía, una muchacha inteligente,
Con esa rara virtud previsora
(Rara para nosotros, latinoamericanos)
Que es tan común en su patria,
En donde hasta los asesinos tienen una cartilla de ahorros
y ella no iba a ser menos,
Una cartilla de ahorros y una foto de Tristán Cabral,
La nostalgia de lo no vivido,
Mientras aquel prestigioso río arrastraba un sol moribundo
Y sobre sus mejillas rodaban lágrimas aparentemente gratuitas.
No me quiero morir, susurraba mientras se corría
En la perspicaz oscuridad del dormitorio,
Y yo no sabía qué decir,
En verdad no sabía qué decir,
Salvo acariciarla y sostenerla mientras se movía
Arriba y abajo como la vida,
Arriba y abajo como las poetas de Francia
Inocentes y castigadas,
Hasta que volvía al planeta Tierra
Y de sus labios brotaban
Pasajes de su adolescencia que de improviso llenaban nuestra habitación
Con duplicados que lloraban en las escaleras automáticas del metro,
Con duplicados que hacían el amor con dos tipos a la vez
Mientras afuera caía la lluvia
Sobre las bolsas de basura y sobre las pistolas abandonadas
En las bolsas de basura,
La lluvia que todo lo lava
Menos la memoria y la razón.
Vestidos, chaquetas de cuero, botas italianas, lencería para volverse loco,
Para volverla loca,
Aparecían y desaparecían en nuestra habitación fosforescente y pulsátil,
Y trazos rápidos de otras aventuras menos íntimas
Fulguraban en sus ojos heridos como luciérnagas.
Un amor que no iba a durar mucho
Pero que a la postre resultaría inolvidable.
Eso dijo,
Sentada junto a la ventana,
Su rostro suspendido en el tiempo,
Sus labios: los labios de una estatua.
Un amor inolvidable
Bajo la lluvia,
Bajo ese cielo erizado de antenas en donde convivían
Los artesonados del Siglo XVII
Con las cagadas de palomas del Siglo XX.
Y en medio
Toda la inextinguible capacidad de provocar dolor,
Invicta a través de los años,
Invicta a través de los amores
Inolvidables.
Eso dijo, sí.
Un amor inolvidable
Y breve,
¿Como un huracán?,
No, un amor breve como el suspiro de una cabeza guillotinada,
La cabeza de un rey o un conde bretón,
Breve como la belleza,
La belleza absoluta,
La que contiene toda la grandeza y la miseria del mundo
Y que sólo es visible para quienes aman.


Vi desde la ventana los caballos.

Fue en Berlín, en invierno. La luz
era sin luz, sin cielo el cielo.

El aire blanco como un pan mojado.

Y desde mi ventana un solitario circo
mordido por los dientes del invierno.

De pronto, conducidos por un hombre,
diez caballos salieron a la niebla.

Apenas ondularon al salir, como el fuego,
pero para mis ojos ocuparon el mundo
vacío hasta esa hora. Perfectos, encendidos,
eran como diez dioses de largas patas puras,
de crines parecidas al sueño de la sal.

Sus grupas eran mundos y naranjas.

Su color era miel, ámbar, incendio.

Sus cuellos eran torres
cortadas en la piedra del orgullo,
y a los ojos furiosos se asomaba
como una prisionera, la energía.

Y allí en silencio, en medio
del día, del invierno sucio y desordenado,
los caballos intensos eran la sangre,
el ritmo, el incitante tesoro de la vida.

Miré, miré y entonces reviví: sin saberlo
allí estaba la fuente, la danza de oro, el cielo,
el fuego que vivía en la belleza.

He olvidado el invierno de aquel Berlín oscuro.

No olvidaré la luz de los caballos.
Pablo Neruda


vendredi 10 mai 2019

tofubeats「RIVER」


un très bon film de Ryusuke Hamaguchi

La bande son qui accompagne le générique de fin ; le clip est avec la même actrice que le film